Ghetto urbain, ségrégation, violence, pauvreté en France aujourd’hui
du sociologue Didier Lapeyronnie : "Le ghetto, pire que la
misère" avec Laurent
Courtois, Éd. Robert Laffont, Collection « Le monde comme il va », 625 p., 23 €.
Entretien publié par le quotidien La Croix, le 19/01/2009.
Extraits :
La Croix : Lors d’un précédent entretien (La Croix du 3 février 2006), vous affirmiez que « les ghettos de nos
cités sont le résultat du désert politique ». Diriez-vous la même chose deux ans plus tard ?
Lorsqu’il y a vingt ans, j’ai commencé à travailler dans les cités, elles ne pouvaient être considérées comme des ghettos en raison de leur mixité sociale. Depuis,
le chômage s’est accru, les écarts sociaux se sont creusés, la ségrégation raciale s’est renforcée… Si bien que l’existence de quartiers entiers d’où les habitants ne sortent pas et où l’économie
souterraine permet divers trafics autorise désormais à parler de « ghettos ».
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Pourquoi a-t-on laissé ces ghettos se développer ?
Parce que de
plus en plus les tensions sociales se résolvent par la mise à distance, l’isolement. Pour la société, le ghetto n’est pas une maladie mais une solution. En province, les ghettos sont souvent
ignorés car ils n’ont pas l’ampleur des cités de Seine-Saint-Denis ou de la banlieue lyonnaise.
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Ces jeunes des cités ne sont-ils pas les premiers responsables de leur exclusion sociale, à force de destructions et de violences ?
– Ils ont souvent un présent ou un passé de délinquants, c’est vrai. Irrémédiablement marginalisés, ces jeunes sans visage (sous leurs capuches) et sans parole
vivent une triple humiliation. Scolaire : l’école dont ils parlent comme d’une institution « folle » leur apparaît comme un lieu d’exclusion et de discrimination qui transforme leur destin en
échec. Économique : sans emploi (le taux de chômage de la jeunesse des cités frôle les 50 %), il est impossible d’accéder à un logement et d’envisager fonder une famille. Du coup, la vie «
normale » est interdite et l’aide sociale devient un piège dont il est impossible de se sortir. Policière : avec des contrôles d’identité pluri-quotidiens, police et justice sont perçues comme
des symboles d’oppression et de racisme.
Recueilli par Claire LESEGRETAIN