La Constitution en débat


Après l’accueil chaleureux réservé aux aînés comme aux membres des jeunes démocrates par leur président François Bourguignon, l’exposé de Jessica Henriot et les interventions expertes de Nathalie Griesbeck ont permis à l’assemblée de mener un débat fructueux.

L’histoire de la Vème République

Accouchée dans la douleur de la IVème République, la Vème est née sous le signe de cette prophétie « La République a trébuché ». Trébuché sur deux obstacles : l’instabilité parlementaire et la crise coloniale. Ces deux ornières politiques permirent à de Gaulle en 1958, d’être amené au pouvoir et de modifier profondément l’organisation des institutions françaises.
Celles-ci sont le résultat de trois influences. Celle de de Gaulle lui-même, qui marqua foncièrement la constitution de sa marque propre en présidentialisant le régime (on dit qu’il « se tailla une constitution à sa mesure »). Celle des hauts fonctionnaires qui contribuèrent principalement à la définition du domaine de la loi disposé par l’article 34 de la constitution. Et enfin celle de Michel Debré qui lui-même parlait du président en ces termes : « un monarque républicain ».
Evoquant ensuite l’usage que les différents présidents firent de la constitution de la Vème République, Jessica Henriot a mis à jour la stabilité et la plasticité de ces institutions – deux qualités qui gagent de sa longévité. Les nombreuses réformes constitutionnelles, tant en terme de principes que d’organisation technique, jusqu’à la dernière en date en Juillet-Août 2008, n’ont pourtant pas résolu un problème récurent au sommet de l’Etat : la dyarchie entre Président et Premier ministre, qui fait encore parler d’ « exception française ».

La Vème République en débat

Le débat proposé par Jessica Henriot a commencé par traverser le prisme des quatre principes de la République : unité, souveraineté, égalité et laïcité.
➢    L’intégration européenne et la souveraineté nationale semblent s’opposer, constate-t-on. La constitution de la Vème République était elle prévue pour empêcher la construction européenne ? Cette question est légitime au vu de la ligne politique autonome et indépendante tracée par de Gaulle. Et Nathalie Griesbeck de rappeler le principe de subsidiarité. Celui-ci  perfectionne l’idée de souveraineté. En effet, il s’agit de laisser à l’échelon le plus compétent dans le spectre politique allant du local au supranational, le loisir de mener la politique efficace.
➢    La proposition du président Sarkozy d’inscrire le principe de diversité dans la constitution est il anticonstitutionnel ? C’est ce que semble indiquer la fin de non recevoir rendue par le comité Veil qui rappelle les principes constitutionnels d’unité et d’égalité. Jessica Henriot souligne d’ailleurs à cette occasion que le conseil constitutionnel, invention merveilleuse de la Vème République car il légitime la force législative de la loi fondamentale, ne rend pas son jugement qu’en s’appuyant sur le texte de 58. Il intègre dans sa réflexion le préambule de la constitution de 46, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ainsi que les principes fondamentaux de la république dont l’unité fait partie. C’est ce qu’on appelle le bloc constitutionnel.
➢    Ce bloc constitutionnel encore mis à mal sur le thème de la laïcité ! Comme l’assemblée le rappelle, le président n’hésitait pas à chambouler les principes fondamentaux de la République au cours du discours de Latran l’année dernière.
➢    Nathalie Griesbeck introduit alors l’idée de pluralisme qui figure depuis la réforme constitutionnelle de cet été dans l’article 4 alinéa 3 de la constitution. Cette précision juridique peut constituer un cheval de bataille pour le Modem. Il s’agit de réclamer des élections à la proportionnelle pour mieux représenter l’avis politique des français au sein des institutions parlementaires.


    Aller vers la VIème République ou stagner dans les eaux de la Vème et demi ?


Nathalie Griesbeck a souligné l’avancement en demi-teinte que représente la réforme constitutionnelle de cet été. A son actif, on peut rappeler :
➢    qu’elle rationalise les compétences du parlement en permettant aux commissions mixtes paritaires de soumettre leurs priorités au gouvernement pour l’agenda des séances plénières ;
➢    qu’elle assure mieux la séparation des pouvoirs en renforçant le rôle du parlement puisque désormais celui-ci peut partiellement fixer son agenda. (c’était le gouvernement qui le fixait auparavant, ce qui caractérisait la prééminence de l’exécutif sur le législatif)
➢    Qu’elle permet au justiciable de saisir le conseil constitutionnel par le système d’une question préjudicielle s’il estime que l’application d’une loi au cours d’un procès dont il est partie est anticonstitutionnelle.
Mais l’ensemble des présents s’est accordé à dire que cette réforme constitutionnelle ne s’attaquait pas à la principale problématique institutionnelle : la répartition des rôles entre président et premier ministre.
A cet égard, il semblerait que la Vème république se soit tiré une balle dans le pied avec la réforme constitutionnelle de 1962, faisant élire le président de la république par le suffrage universel direct. Puisant alors autant de légitimité que 577 députés dans le vote populaire, le présidant de la république a le pouvoir de provoquer une éclipse à Matignon.
D’autant que l’inversion du calendrier des législatures (élection présidentielle avant législative) lui permet de minimiser les probabilités d’une cohabitation. Dès lors, le premier ministre lui est totalement subordonné, comme en atteste le spectre Fillon dont la fonction semble réduite à celle d’un super secrétaire général de l’Elysée.
Au final, le seul président qui respectait à cet égard la constitution était Jacques Chirac. Mais on a bien vu que cette répartition des rôles provoquait une morosité politique et qu’à la moindre contestation populaire, le président en profiter pour poignarder le premier ministre (cf. CPE…).

Ce manque de clarté au sommet, accentué par l’hyperactivité du chef de l’Etat actuel, était le principal problème soulevé. Mais Nathalie Griesbeck a également mis en lumière les fausses garanties données par le président pour rendre plus humble son dirigisme. En effet, le président de la république ne préside plus le conseil supérieur de la magistrature et doit rendre compte à l’assemblée des nominations dans la haute fonction publique (type CSA, France télévision…).


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